Du trekking dans la jungle de Bornéo est
toujours plus agréable si on sait qu’au bout vous attend une fête !
Dans le cas le plus récent pour moi c’étaient les fiançailles de mon
ami Jeffri avec son élue, Rosalia. Les fiançailles, ainsi que les
mariages se célèbrent toujours dans le village et la maison de la
jeune fille, et Rosalia vient d’un hameau particulièrement bien
caché dans le parc national de Crocker, à six heures de marche de la
prochaine route : Pongobonon. En fait, ce village n’est sur aucune
carte car ce ne sont que quelques maisons dans un vaste territoire,
et les voisins habitent du genre deux heures de marche l’un de
l’autre !
Voila les fiançailles du 20 & 21 décembre 2008 en images :
Jeffri est au milieu, avec la hure. Pour les fiançailles il faut
tuer au moins un cochon, pour le mariage un buffle ! Puis
d’innombrables poules, et le tout est arrosé de quantités inouïes de
vin de riz…
Le cochon est détaillé sans respect
pour les coupes élaborées de la cuisine française… le travail est
partagé, un qui coupe, un qui s’occupe de la coupe…
Nous avons acheté que du sel, de l’huile, les sauces et des épices,
et autres préparations de base, tout le reste venait de la jungle.
Même pas du jardin ! Les indigènes de ces régions ne cultivent
toujours que du riz, le reste se trouve dans la jungle : à gauche
dans l’image le cœur du palmier céleri, à droit la mère de Rosalia
qui prépare du cresson sauvage.
Cuisine traditionnelle avec tout ce qu’il faut ! Pas de gaz,
naturellement… tout est préparé sur un feu ouvert, au dessus duquel
il y a un étalage en bambou pour fumer / sécher des viandes (singes,
chats sauvages, serpents…) et du poisson.
Quelques gars sont allé à la pêche, voila le résultat d’une demi
heure dans la rivière avec épervier devant la maison ! Devant la
maison ! Nous avons bu l’eau de la rivière même, sans la faire
bouillir… Y a-t-il des cois sympa dans le monde ?
Le fruit du « tompu », le gingembre fleur de porcelaine. Ce n’est
pas seulement la fleur qui se retrouve en cuisine, les fruits se
mangent également. Il est très acidulé et me rappelle fortement la
rhubarbe. Lorsque je voyais le poisson si frais, j’avais une envie
incroyable d’en manger cru. Cela n’a pas outragé les autochtones,
ils n’en étaient même pas étonnés. Il m’on fait tout de suite une
espèce de sushi indigène que l’on appelle « hinava » mais « façon
maison » pour de vrai : pas de citron mais du tompu pour macérer le
poison !
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Vers deux heures de l’après midi les négociations ont commencées. Ce
sont des affaires terriblement sérieuses et longues, pourtant la «
nopung », la dote que Jeffri doit payer pour la fille et le prix de
la fête du mariage étaient connus depuis longtemps. Mais cela fait
partie de la tradition et c’était un moment calme dans la maison,
déjà remplie d’une cinquantaine d’invités ! La dote traditionnelle
pour la fille est RM1000, et la fête – le mariage propre – coûtera
RM4000 selon les estimations du pere de Rosalia. Ce dernier montant
peut varier, seulement la dote est normalement fixe. Donc ce mariage,
dont la date n’est pas encore fixe, coûtera Jeffri RM5000, environs
€1000. Pour comparaison, Jeffri, qui travaille chez moi, gagne RM550
par mois (logement et nourriture inclus).
Dans la photo Jeffri présente RM3000 à la maman de Rosalia, le
premier versement demandé par ses parents.
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Apres les négociations suit le repas, suivi de quelques seaux de vin
de riz, croyez moi, c’est traditionnel ! Dans la maison le vin de
riz est toujours fermenté dans des jarres anciennes. La plus
précieuse que j’ai pu voir dans le garde-manger c’était une «
panding tiga ». Une jarre vietnamienne du 16ème siècle, qui a trouvé
son chemin ici je ne sais comment. Si elle pouvait parler… ! J’ai
pris des photos de ce garde-manger avec les jarres mais pendant les
fêtes cet endroit n’a pas l’air trop appétissant. Dans les maisons
ici il y a des pièces dont il vaut mieux ignorer l’existence avant
de venir… par contre la salle de bains était 5-etoiles ! Une vraie
toilette – je ne sais pas qui c’est chargé de porter une cuvette en
porcelaine pendant six heures par la jungle – mais Jeffri a
construit un cabinet en bambou autour, avec dalle en ciment, et une
douche « normale » attachée ! Vue sur la rivière pendant vos
besognes, incroyable !
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Jeffri avec son futur beau-père. Evidemment les affaires se
déroulent à la satisfaction de tout le monde !
La fête continue jusqu’au petit matin, et puis encore. Il y en a qui
dorment, les autres continuent de boire. C’est comme cela…
La maison des parents de Rosalia est assez vaste, mais pendant les
grandes fêtes même les voisins (rappelons-nous, ils sont à au moins
deux heures de marche), y dorment. Mais pas de soucis, ici nous
n’avons pas besoin de lits ou encore de draps propres, on se couche
là où on tombe – très fréquemment ! Le résultat est l’image d’un
désastre si on ne sait pas ce qui c’est passé…
Lorsqu’on se réveille, au milieu de la nuit, on se demande
fréquemment où sont les débris qui ont causé tant de dégâts avec nos
têtes… (image de gauche).
Mais pas pour longtemps (milieu)… un vissage connu, ou pas connu peu importe,
vous apporte avec un gros sourire un rafraîchissement. Non, ce n’est
pas votre bircher muesli traditionnel, pourtant cela présente
à-peu-près la même apparence et consistance : c’est du riz fermenté
avec un peu d’eau. A quatre heures du matin cela a le goût suivant
(image de droit).
Faut élaborer ?
Qui s’en moque ? Les enfants, qui s’amusent 24-24 !
4 heures du matin ! Ou huit heures du soir ? Quel jour, le jour des
fiançailles, ou le lendemain ?
Le lendemain après la deuxième journée de fête – les fiançailles
durent au moins trois jours – nous avons décidé de faire un petit
BBQ imprévu sur la rivière tout juste en bas de la maison. Encore
une poule qui a du mourir pour nous, et dans nos éperviers il y
avait plein de poisson tout frais. Eh oui, dans le seau il y encore
du riz fermenté…
Aramai-tii !
La petite a cinq ans. Sa sœur Rosalia lui a donné un poisson pour
l’écailler et vider, ce qu’elle a fait sans mot dire. 5 ans !
Au bout de quatre jours j’ai du rentrer. C’est la rivière qu’il
fallait traverser à gué je ne sais combien de fois. Mais que c’est
beau !
Evidemment il fallait s’arrêter chez le voisin (à deux heures de
marche, pause justifiée), et comme c’était Noël il y avait à boire…
j’y ai retrouvé un nombre des invités des fiancailles, dont quelques
uns déjà comateux à onze heures du matin. Oui, c’est la saison des
fêtes, définitivement. Et faut bien célébrer ces moments avec
quelques excès bacchanales car la vie dans ces régions lointaines
n’est pas facile. Un petit aperçu d’une rizière dans une colline.
Ils vont récolter le riz bientôt :
Elle sont vaste, leurs rizières, et c’est du travail. J’y ai
travaillé, moi aussi, pendant une saison, et si vous avez jamais
fait les vendanges, vous en avez une idée… La vie dans la jungle, et
si vous habitez à six heures de marche de la prochaine route n’est
pas facile, et pourtant ces gens y survivent, plus que cela : ils
ont le temps de vous recevoir avec une gentillesse et de la
générosité qui surpasse tout ce que l’on peut imaginer !
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